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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Demande en divorce en France d'un mariage bigamique célébré à l'étranger.


Civ. 1, 17 novembre 2021, n°X 20-19.420



Les faits sont simples et la solution de la Cour de cassation classique.


Mme. S s'est mariée en Libye avec M. H. Il s'agissait pour M. H d'un second mariage dont le premier n'avait pas été dissous, soit un mariage polygamique.


Mme S saisit les juges français d'une demande en divorce.


Les juges du fond déclarent irrecevable la demande aux motifs que "la loi française ne reconnaissant pas la bigamie, ce second mariage n'a pas d'existence légale et ne peut donc être dissous par une juridiction française".


Le divorce a pour effet de rompre le lien matrimonial entre époux. Or, si le mariage n'a pas d'existence légal, la demande en divorce n'a pas d'intérêt.


Mme S forme un pourvoi en cassation.


La Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel au visa de l'article 3 du Code civil.


Elle rappelle dans un premier temps l'office du juge quant à l'application de la règle de conflit de lois en matière de mariage : "qu'en matière de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en œuvre les règles de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle, d'autre part, que les conditions de fond du mariage sont régies par la loi personnelle de chacun des époux".


La Cour en déduit qu'il incombait au juge de rechercher "si la loi personnelle des époux n'autorisait pas la bigamie".


Or, force est de constater qu'en l'espèce les deux époux avaient la nationalité Libyenne.


Le juge saisit d'un litige international doit rechercher la loi applicable aux questions de droit qui lui sont soumises lorsque les droits sont indisponibles.


Or, les juges du fond n'ont pas en l'espèce recherché la loi applicable alors que les droits étaient indisponibles. Ils ont fait application de la loi française qui prohibe la bigamie.


Ils leur appartenaient donc d'appliquer la règle de conflit de lois en matière de condition de fond du mariage, à savoir l'application distributive de la loi personnelle de chaque époux.


Si la loi libyenne, loi nationale de chaque époux, autorise le mariage polygamique, alors celui-ci est valable en France et peut donc être dissous par divorce.


Il faut préciser que cette solution n'est valable que pour les mariages célébrés à l'étranger par le jeu de l'ordre public atténué.


Il est bien évident qu'une mariage polygamique célébré en France, même en application de la loi nationale de chaque époux serait nul car contraire à l'ordre public direct.


Il s'agit de la transposition de l'arrêt Rivière (Civ. 1, 17 avril 1953 Rev. crit. DIP 1953, p. 412) qui prévoit que : "la réaction à l'encontre d'une disposition contraire à l'ordre public n'est pas la même suivant qu'elle met obstacle à l'acquisition d'un droit en France ou suivant qu'il s'agit de laisser se produire en France les effets d'un droit acquis, sans fraude, à l'étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du droit international privé français"


Ce n'est pas la première fois que la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la validité d'un mariage polygamique célébré à l'étranger. Ainsi, dès 1958 (Chémouny, Cass. civ., 28 janv. 1958, Rev. crit. DIP 1958, p. 110), la Cour de cassation reconnaissait un droit à pension alimentaire à la seconde épouse, supposant que le mariage polygamique était valable.


La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 sur le mariage pour tous à insérer des règles de conflit de lois dans le code civil en matière de mariage. La loi reprend pour l'essentiel la jurisprudence antérieure. Ainsi l'article 202-1 du Code civil prévoit que "Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle". Il ne fait donc aucun doute que la solution serait la même en application de l'article 202-1 du Code civil.




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